Mon amie Adrienne racontait, il y a quelques semaines, que les bibliothèques de Toulouse n’avaient apparemment pas le droit d’inscrire dans leur programme papier la liste des films projetés dans le cadre d’une rétrospective thématique [1]. Un peu dans le même genre, mais pas tout à fait, j’ai remarqué hier que la fnac Toulouse était « peu soigneuse » dans sa gestion du droit d’auteur sur ses prospectus, abusant allègrement de la mention « droits réservés ».
Droits réservés ou « D.R. »
Dans le domaine de la publication, Droits réservés (ou D.R.) est une mention apposée à la place du crédit de l’auteur d’une œuvre orpheline [2], c’est à dire une œuvre dont il est impossible ou difficile d’identifier l’auteur. Si l’auteur est identifié par la suite, l’utilisateur doit alors l’indemniser et lui rendre la paternité de l’œuvre.
L’utilisateur agit cependant à ses risques et périls : l’apposition de la mention D.R. ne le met pas à l’abri de poursuites de la part de l’auteur, dont les droits ont été bafoués : le code de la propriété intellectuelle (CPI) impose en effet, avant toute publication, d’obtenir l’accord écrit et signé de l’auteur, qui jouit de ses droits moraux et patrimoniaux sur son œuvre.
Une exception illégale qui devient la règle
Bien qu’illégale au regard du Code de la Propriété Intellectuelle, l’utilisation de la mention D.R. était tolérée par les auteurs tant qu’elle restait une exception. Le problème aujourd’hui est que l’exception est devenue la règle. Nombreux sont les éditeurs ou journalistes qui apposent des Droits réservés à tout-va, sans effectuer de recherche raisonnablement minutieuse sur leur auteur, souvent pour des images glanées sur Internet ; voir à ce sujet l’anecdocte de Maître Eolas, Eolas crucifié, en particulier les commentaires, qui apportent un éclairage intéressant (et parfois affligeant) sur cet usage dans le monde de la presse.
Je reviens à mon prospectus de la fnac. Ce prospectus mensuel, intitulé « l’agenda forums » présente les activités organisées par la fnac telles que conférences, séances de dédicaces, mini-concerts, etc. Ce genre de rencontres m’intéresse tout particulièrement, car il permet de photographier des personnalités qui n’ont pas encore leur photo sur Wikipedia.
Alors que je patientais en attendant l’arrivée de Marie de Hennezel pour sa mini-conférence, j’ai remarqué sur ledit prospectus la petite mention D.R. apposée, en petits caractères, le long de son portrait. Une rapide vérification et ce sont 14 mentions D.R. que j’ai comptées, pour un total de 16 illustrations. Deux photographies seulement étaient attribuées à leur auteur [3].
L’abus de la mention Droits réservés
L’abus de l’utilisation de la mention Droits réservés est régulièrement critiqué par les photographes professionnels. L’Union des photographes créateurs (UPC) a notamment fait de la mention D.R. un thème majeur de son congrès des 30 et 31 janvier derniers à Paris. À cette occasion, 101 photographes ont monté une exposition sur ce thème et un livre a été édité [4]. Voir également :
l’intervention Droits réservés, une utilisation abusive (video flash) donnée lors du congrès de l’année précédente ;
les publications de la Commission pour la relance d’une politique culturelle, qui fait des propositions intéressantes.
La morale de l’histoire
Dans tous les cas, je remercie la fnac d’organiser ce genre de rencontres. J’ai ainsi pu photographier, la semaine dernière, Marie de Hennezel et Albert Jacquard, et ainsi illustrer leurs biographies respectives dans Wikipedia. J’invite d’ailleurs les éditeurs des prochains prospectus à utiliser ces photos, qui sont placées sous licence libre Creative Commons, donc librement réutilisables [5]. Cela évitera de recourir une fois de plus à la mention D.R.